Celles qui font la mode : Rencontre avec Naïlat salama djae, curatrice mode et culture chez puma
Un style hors pair, une sympathie naturelle et un sens créatif aiguisé… Rencontre avec Naïlat Salama Djae, curatrice mode et culture chez Puma France.
On retrouve Naïlat Salama Djae sur Google Meet, un échange à distance où la jeune femme de 26 ans nous parle de son parcours professionnel intimement lié à son histoire personnelle, le tout avec une simplicité salvatrice. Née sur l’île des Comores, elle grandit ensuite en banlieue parisienne après son arrivée en France à l’âge de 3 ans et multiple les expériences avant d’entrer par la bonne porte, chez Miista, label londonien au succès confirmé dont la boutique se trouve dans le Marais. Sans être passée par une école de mode (il est important de le préciser), elle parvient à faire ses marques et à se créer un réseau fidèle, portée par sa passion pour la créativité et surtout pour l’humain. Depuis le début de l’année 2025, l’autodidacte officie en indépendante chez Puma en tant que responsable des relations publiques avec cependant une nouvelle corde à son arc, celle de curatrice culture et mode, un poste sur mesure qui réunit ses passions. Sa vision de la mode écarte toute forme de mépris et invite plutôt à faire corps ensemble face à des projets artistiques impactants et pertinents. Interview.
L’aventure Miista, le début d’un chapitre parisien
“J'aime beaucoup le contact et la relation vente. Je pense que j'étais juste la fille bavarde qui aimait bien être en boutique”, développe Naïlat Salama Djae. Après des études d’arts appliqués dans le sud de la France et quelques petits boulots, Naïlat retourne à Paris et saisit sa chance dans une boutique au cœur du Marais prénommée Miista, une oasis pour les aficionados de la mode. Spécialisée dans les chaussures en cuir depuis 2010, la marque a su séduire une clientèle avide de belles matières et d’une production responsable.
Sans expériences dans le milieu de la mode, Naïlat Salama Djae postule pour une annonce d’assistant store manager, une aubaine qu’elle saisit avec audace. Avant même de travailler chez Miista, la future spécialiste en relations publiques avait eu un véritable coup de cœur pour cette enseigne, un signe dont elle a très vite concrétisé les fondements. “La marque était en plein essor. Je suis arrivée à un moment clé, je pense. Et du coup, ça a grandi petit à petit”, explique-t-elle. Quelques mois plus tard, la jeune femme gravit les échelons et devient responsable des relations publiques pour Miista après avoir été vendeuse en boutique pendant deux années formatrices. “Quand je suis arrivée au bureau de presse, les missions quotidiennes étaient d'envoyer des communiqués de presse avec du reporting notamment. Il y avait aussi beaucoup de relationnels. J'ai passé mes deux premières années à créer du contact. Je l’avais déjà fait trois ans auparavant quand j’ai été embauchée, c'était donc très simple quand je suis arrivée à ce poste”. À l’époque, son rôle se veut hybride puisque Naïlat travaille sur tous les supports autant dans la réalisation des campagnes que dans l’élaboration des communiqués de presse. Dans son propre bureau parisien, elle fédère une communauté de journalistes et d’influenceurs. Au cours de la discussion, Naïlat nous avoue ne pas voir fait de distinction avec les clientes qu’elle recevait, que ces dernières soient rédactrice en cheffe ou simple passante. “Mon but a été d’être juste avec tout le monde et d’avoir le même ton qu’importe la personne avec qui tu parles”. Une vision à laquelle elle s’attache encore aujourd’hui et qui a permis à Miista de grandir dans la capitale jusqu’au succès qu’on lui connaît aujourd’hui.
La famille comme moteur
Naïlat Salama Djae ouvre le champ des possibles dans une industrie souvent élitiste pour celles et ceux qui ne possèdent pas les codes. En mars 2025, Puma approche la jeune femme pour un poste pluriel qui correspond parfaitement à son profil atypique. Ses années chez Miista l’ont formé et Naïlat sent en elle une envie d’évoluer, de changer d’environnement pour développer des desseins à son image. Après son arrivée chez Puma, elle a multiplié les projets en lien avec ses valeurs et ses engagements. Très proche de sa mère, Salimata Ali Chahidi, elle l’inclut dans la plupart de ses créations notamment dans sa mini-campagne Mostro Elevator by Puma (mars 2025) où elle réunit diverses personnalités pour célébrer la sortie de la Mostro chez Puma, une basket parue dans les années 2000 qui vit une renaissance insoupçonnée. Un coup de maître qu’elle réalise en tandem avec son partenaire, le réalisateur Gloire Savula Mbongo à travers leur studio de création, Utile Ustensile. La campagne perce et ouvre une nouvelle ère pour le label allemand qui s’entoure de jeunes personnalités talentueuses aux idées novatrices.
S’inspirant de ces secondes gênantes passées dans l’ascenseur, moment d’affirmation de soi mais aussi de réflexion (seul ou à plusieurs) au cœur d’un espace intime, Naïlat décide ici d’en faire une parenthèse conviviale qui rassemble des figures venues d’horizons pluriels. “Le projet a été d'inviter les gens dans mon espace, celui dans lequel je me sens le mieux. J’ai impliqué des personnes que j'admire beaucoup, dont j’aime beaucoup le travail. Des stylistes, des danseurs, plein de corps différents, de la cuisine à la danse”, explique-t-elle. Dans ce spot tourné en une journée, Naïlat Salama Djae affiche son identité et s’entoure d’une communauté fidèle autour d’un objet commun, la mode. “Dans ma lecture à moi de la mode, cette dernière est là pour rassembler les gens. Ce n’est pas quelque chose d’élitiste et de clos”, affirme-t-elle en évoquant sa mère, sorte de point d’ancrage à la réalité.
Naïlat Salama Djae décentre l’industrie dans laquelle elle travaille. Tandis que chaque événement se passe à Paris, la curatrice programme des événements en France et notamment à Marseille, épicentre multi-culturel. À l’occasion de la MarsCup, tournoi de football réunissant les 12 arrondissements de la cité phocéenne, Puma s’est associé à l’événement sportif annuel montrant alors un engagement pour une nouvelle génération trop souvent éclipsée. Aux côtés du label émergent ABELA, fondé par Femi et Ousmane Badirou en 2021, ils ont élaboré un maillot spécial qui s’ancre dans un récit au carrefour du sport et l’identité urbaine. Plus qu’une pièce de tissu, le maillot devient le réceptacle d’une histoire commune.
Idem avec l'exposition “Mwana wa Hunu” au restaurant Cornbread à Marseille qui fut un véritable succès lors de sa programmation en avril 2025. Organisé par Naïlat Salama Djae, bien sûr, et l’artiste Izudin Yusuf pour Puma, le projet réunissait la diaspora comorienne afin de mettre des voix et des visages sur des histoires plurielles. Questionnant les notions d’identité, d’héritage et de création, le rassemblement était ponctué par des photographies de familles, des lectures de poèmes et de la bonne nourriture. Naïlat trouve ses instants essentiels dans son métier puisqu’il illustre l’importance de la solidarité et des échanges entre les gens :“Ce sont des moments qui sont hors-calendrier mais qui pour moi sont les plus excitants parce que tout le monde est présent. Je pense qu’il y a beaucoup de choses qu’on n’a pas encore vues à Paris et qui ont le mérite d’être connues. Si dans mon travail, j’ai la possibilité de trouver un pont entre la marque, le projet et la personne, je ferais toujours en sorte que ça arrive”.
Où est-ce que Naïlat Djae Salima se voit dans 10 ans ?
“Je me vois toujours entourée de gens dans mon travail mêlant la culture et la mode. Je veux continuer d’apprendre parce que je suis jeune et qu’il me reste encore beaucoup de choses à connaître. J’espère voyager et ne pas m’enfermer dans quelque chose qui ne me correspond pas. L’important est de réaliser des projets qui me ressemblent avant tout”.
Un style au carrefour des influences
Naïlat possède un style ultra-inspirant, un cocktail parfait entre tendance, vintage et héritage personnel. Pas étonnant alors qu’elle nous parle de son pays de naissance, Les Comores, et la façon dont ses origines la nourrissent dans son uniforme quotidien : “Je pense que c'est important pour moi dans des détails subtils de faire un clin d'œil à mes origines, ça peut être juste des matières, des couleurs ou alors une coiffure. J’essaie peut-être de faire passer un message sans m’en rendre compte. Je me mets souvent du henné sur les doigts et je sais que quand le henné part, il vieillit, il devient un peu orange au bout, ce n'est pas esthétique, mais je sais que si une fille me voit dans le métro, elle peut savoir d'où je viens juste avec mes doigts”. Des signes distinctifs qu’elle cultive comme une part de soi qu’elle veut toujours garder avec elle. Ses inspirations proviennent de l’Afrique des années 1970 et des clichés de sa mère, ceux qu’elle a capturé lors de ses voyages professionnels aux Seychelles, au Cameroun, en Algérie : “Elles étaient très minimalistes dans leurs styles mais tout le temps apprêtées en tailleur, avec le brushing. Ça a été un choc quand j’ai vu les photos !”. Naïlat se passionne pour les gens dans la rue, les passants, les grands-mères, les jeunes. Il suffit d’une pièce portée de manière spéciale pour l’inspirer tout au long de la journée.
Le style reste éternellement une histoire de famille pour Naïlat. Elle fait écho à son père disparu pendant la pandémie, source inépuisable de motivation et d’inspiration : “Mon papa était très à la mode. Il est né aux Comores puis il est revenu en France en ayant toujours ce style un peu dandy. Ce n’était pas le dandy français, c'était vraiment le dandy d'Afrique. Il n'était pas classe comme un Parisien mais comme un Africain. Ça a toujours été son truc à lui”. En digne héritière d’un fort ADN stylistique à la fois maternel et paternel, Naïlat Salama Djae arbore des pièces plus contemporaines dont des trouvailles Vinted à quelques euros qui rendent ses looks inclassables. Ainsi, elle peut chiner pendant plusieurs heures sur l’application de seconde main et trouver la pièce qu’il faut. Son sens des “jolies choses” comme elle nous l’explique se ressent assurément dans son allure, dans des nuances qui pétillent et dans des associations particulières, de chaussures Miista au caractère bien trempé à une simple marinière, basique des basiques. Naïlat Djae Salima se veut comme son style : authentique, sans prétention mais unique en son genre.
Les photos ascenseur de Naïlat <3
