Met Gala 2025 : entre coupe parfaite et contre-sens vestimentaire
Cette année, le Met Gala célébrait Superfine: Tailoring Black Style, une ode au dandysme noir, à l’élégance comme posture, à l’intelligence du vêtement comme héritage culturel. Un thème exigeant, profondément inspirant, qui invitait à explorer comment les tailleurs, les coupes et les codes masculins ont été détournés, magnifiés et réinventés par la culture afro-descendante.
Mais comme chaque année, certains ont confondu performance et profondeur, oubliant la subtilité du propos au profit du spectaculaire ou du hors-sujet. À l’inverse, d'autres ont su capturer l’essence du thème avec brio, mêlant audace, maîtrise formelle et justesse historique.
Voici donc 5 looks qui ont brillé par leur précision, et 5 autres qui, sans être ratés, sont tout simplement passés à côté.
5 looks qui traduisent l’héritage noir en haute couture
1. Teyana Taylor en Ruth E. Carter : L’Impératrice de Harlem
Teyana Taylor a littéralement volé la vedette dans un look conçu par la costumière oscarisée Ruth E. Carter un hommage flamboyant aux zoot suits des années 1940. Cette cape en velours rouge cardinal, avec l’inscription brodée “Harlem Rose”, n’était pas qu’un statement de mode, c’était un manifeste culturel. Chaque détail vibrait avec l’héritage de la Harlem Renaissance : les épaules structurées, le plastron orné, les chaînes en argent. Teyana incarne ici le pouvoir et la noblesse de l’histoire noire américaine, en s’appropriant les codes masculins avec un aplomb quasi militaire. C’est dramatique, c’est stylisé à l’extrême, et c’est surtout brillamment dans le thème.
2. Zendaya en Louis Vuitton par Pharrell Williams : L’élégance blanche absolue
Zendaya nous a offert une masterclass de tailoring avec son trois-pièces blanc cassé signé Louis Vuitton, sous la direction de Pharrell Williams. Le chapeau oversize à large bord évoque autant les silhouettes de Bianca Jagger que l’attitude des grandes dames du jazz. Mais c’est la coupe du costume qui fascine : une taille ultra-cintrée, des épaules angulaires et un pantalon à revers à la tombée impeccable. C’est minimaliste en apparence, mais chaque centimètre est savamment calculé. Un look qui transcende le genre, la couleur et le temps.
3. Doja Cat en Marc Jacobs : Féline, féroce et fantasque
Doja Cat s’est présentée comme un personnage de cabaret futuriste sorti tout droit d’un cartoon des années 1980. Signé Marc Jacobs, son body à imprimé léopard fusionné à une veste à rayures et épaules XXL incarne un choc visuel parfaitement dosé. C’est un mélange entre Mugler, Grace Jones et Miss Kitty, avec en bonus une crinière monumentale et des escarpins vertigineux. Elle a compris l’exercice : flirter avec le grotesque sans jamais tomber dans le déguisement. Mission accomplie.
4. Lewis Hamilton en Wales Bonner : Le tailoring comme acte de mémoire
Lewis Hamilton, fidèle à son engagement pour les cultures noires, a collaboré avec Grace Wales Bonner, l’une des designers les plus intellectuelles de la mode contemporaine. Il portait un costume ivoire orné de broderies discrètes et de perles cauris – symboles d’héritage africain, de spiritualité et de pouvoir. Le col mao et la coupe légèrement oversize faisaient référence aux zoot suits, mais aussi à la dignité des leaders afrodescendants du XXe siècle. Ce n’est pas un look bruyant, mais un manifeste silencieux, pensé comme un vêtement de résistance, de noblesse et de transmission.
5. Rihanna en Marc Jacobs : L’androgyne sacrée
Rihanna enceinte, Rihanna en tailoring, Rihanna dans un vestiaire codé masculin : le combo est explosif. Sa tenue Marc Jacobs mêlait jupe longue à rayures, veste ouverte sur le ventre rond, chapeau oversize et canne – tout droit sortie d’un jazz club des années 30, mais version punk couture. C’est une réinterprétation du dandysme où la féminité n’est plus cachée, mais glorifiée. Elle joue sur les tensions : fragilité/magistralité, confort/rigueur, tradition/dérision. Le genre de look que seule Rihanna peut porter sans qu’il ne l’écrase.
5 Beaux looks, mais mauvais brief
1. Lisa (BLACKPINK) – Louis Vuitton
Lisa a osé une silhouette audacieuse : chemise pailletée, collants logotypés, body imprimé… et surtout, absence assumée de pantalon. Si l’ensemble intrigue, il a surtout suscité la controverse : les visages imprimés sur son body ont été interprétés par certains comme une représentation de Rosa Parks ce que la marque a démenti, sans dissiper le malaise. Même en dehors de cette lecture, le look peine à dialoguer avec le thème : ni structure, ni propos apparent, si ce n’est celui d’un décalage visuel très calculé. Un geste de mode fort, mais un peu sourd au contexte.
2. Georgina Rodríguez – Vetements
Georgina a fait son entrée en robe nuisette noire, toute en fluidité satinée et dentelle fine. L’ensemble est gracieux, sans aucun doute. Mais dans le cadre d’un thème centré sur le tailoring comme expression d’une identité construite et transgressive, cette tenue évoque davantage l’intimité que l’affirmation. C’est un beau moment d’élégance, mais qui semble se jouer à huis clos, loin du propos collectif de la soirée.
3. Vera Wang – Vera Wang
Vera Wang reste fidèle à elle-même : robe blanche drapée, plume grise en cascade, lunettes noires signature. Le look n’est pas sans panache, mais il ressemble davantage à une carte postale personnelle qu’à une lecture du thème. On aurait aimé que la créatrice de mode iconique nous surprenne, s’approprie ce thème dense avec la liberté et la maîtrise qu’on lui connaît. Ce soir-là, elle a préféré rester dans sa zone de confort.
4. Sadie Sink – Alexander McQueen
Sadie a joué la carte du romantisme sombre : robe noire fluide, cape délicate, allure éthérée. Rien à dire sur l’exécution, c’est beau, très beau même. Mais peut-être un peu trop sage pour une soirée qui appelait à l’affirmation. Ici, on sent plus l’élève appliquée que l’interprète engagée. Un look gracieux, mais un peu effacé.
5. Angèle – Chanel
Angèle reste fidèle à la maison Chanel, mais aussi — et surtout — à l’image que la maison projette d’elle : sage, rétro, un peu mutine. Corset lavande, jupe bouffante, perles, chaînes, bottes noires, résille, blouson matelassé jeté sur les épaules : on sent la volonté de twister l’élégance Chanel avec un petit air rebelle. Mais voilà : entre la posture rock et la silhouette boudoir revisitée, difficile d’y lire une quelconque référence au tailoring noir. La coupe n’est pas le propos ici, encore moins l’héritage culturel. C’est un look bien pensé, cohérent avec sa collaboration sur le parfum Chance, mais qui semble plus pensé pour une campagne que pour un thème aussi précis. Une jolie photo de mode, certes. Mais un costume sans message, et dans ce contexte, c’est un peu dommage.